Il en est ainsi dans
de nombreuses professions non règlementées, où beaucoup se targuent de réussites
et de succès, l'autopromotion étant souvent inversement proportionnelle à la
qualité de la formation acquise.
Pour cette même raison, de nombreuses discussions virent à la foire d'empoigne,
où la raison des forts en pétitions de principe et autres raisonnements
spécieux, semble devoir l'emporter sur les arguments sérieux et fiables.
Ainsi, à l'heure où internet donne la parole à tout un chacun et semble mettre
tout le monde sur le même plan, le problème des influences sociales et des
qualifications professionnelles, donc des différences entre les personnes,
devient paradoxalement de plus en plus crucial. A cet égard, il est important
de rappeler que si nous sommes égaux en droits, nous ne le sommes pas dans les
actes et les faits, ce qui devrait donner à réfléchir à beaucoup, avant de
choisir à qui s'adresser, qui écouter, etc...
De même, beaucoup devraient réfléchir et bien s'informer ou se former, avant
d'affirmer des choses inexactes ou fausses. On constate notamment que
l'ignorance de l'ignorance est un problème grave et fréquent, nuisible
socialement du fait des influences exercées par des personnalités souvent
fortes, mais présentant des traits pathologiques, quand il ne s'agit pas
d'authentiques psychopathes.
Cas limites, névrosés, pervers narcissiques et psychopathes, sont en effet
souvent des candidats au leadership ou des leaders de pacotille.
Un problème avec l'"empowering people", est donc bien qu'en donnant la
parole à tous, sans distinction, on permet des prises de parole
injustifiées et on gomme les distances qui contribuaient par le passé , au
respect des savoirs, expériences, diplô mes, positions sociales, etc...
autrement dit au respect de la culture et de ses représentants les plus
autorisés.
A l'extrême, on trouve des personnes dénigrant habilement les experts et savoirs
établis, sans faire aucunement la part des choses, et sans que cela soit
décelable par des publics peu ou pas informés, tout ceci engendrant
d'innombrables méprises et erreurs. Le moins qu'on puisse donc dire au sujet
d'internet, c'est que toute médaille a son revers, celui venant d'être évoqué
étant peu banal, comme on va encore le voir.
En ce qui concerne le marché du psychospirituel(<-clic) où la médiation prend place, le
constat est le suivant. La médiation se développe à tout va aujourd'hui, en
se présentant comme le nouvel Eldorado de la résolution des conflits, si ce
n'est comme la nouvelle poule aux œufs d'or du marché en question.
Cela se traduit notamment par le fait que la Ministre de la Famille annonce
vouloir "instaurer une culture de l'apaisement, en lieu et place de la culture
actuelle des conflits" (sic) grâce à la médiation, comme si on avait attendu
cela pour s'engager dans cette voie, et comme si la médiation était tout à coup
devenue LA solution de tous les conflits sociaux, familiaux, etc...
Lors
de telles opérations de communication, il est affligeant d'observer que des
politiques cautionnent certaines dérives dans le domaine de la formation et du
travail, en favorisant le développement de nombreuses pseudo et
sous-spécialités, qui sont autant de sources de confusion, d'illusions et
d'erreurs, dans l'esprit du public. En d'autres termes, jusqu'à récemment, on
avait les psychologues, psychothérapeutes, coachs, éducateurs, formateurs,
intervenants des risques psycho-sociaux, délégués syndicaux, et X autres
travailleurs sociaux ou assimilés... , bref, toute une armée faisant souvent de
fait, un travail de médiation, parmi d'autres objectifs ou activités, même si
leur spécialité ne porte pas ce nom (je souligne)... mais tout se passe comme si
on venait de découvrir qu'il manquait des médiateurs , ou du moins qu'on n'avait
pas vu l'importance de ces professionnels, d'où la mise en avant de cette
profession, subitement montrée comme LA profession adaptée à la problématique en
question.
Concrètement, cette nouvelle politique se traduit par le fait qu'aujourd'hui, de
nombreux médiateurs et formateurs de médiateurs, ne jurent que par leur
profession pour résoudre des conflits, ceci allant jusqu'à dénigrer la
psychologie, science dans laquelle la médiation puise pourtant une part
essentielle de ses savoirs, ainsi que dans le droit, notamment.
Certains
médiateurs et formateurs de médiateurs - ce qui est plus grave - refusent en
outre d'admettre que la médiation n'est pas une science mais une fonction
utilisant les savoirs de plusieurs sciences. Rien de moins. De tels
raisonnements purement formels faisant fi du sens et du fond des choses, sont à
proprement parler des impostures, mais cela n'a manifestement aucune importance
pour ces personnages dont l'objectifs est manifestement d'accaparer le pouvoir,
en écartant le souci éthique et déontologique, ceci contrairement à toute
attente.
C'est dire que l'heure est grave pour des professions dont la vocation
est l'utilité sociale, et pour le système qui produit et cautionne de tels
charlatans, en leur faisant une publicité illusoire.
On se demande bien où la Ministre de la Famille est allée chercher ses
arguments et qui a écrit son discours, en particulier, tout ceci posant
également la question des qualifications des membres du gouvernement, dont les
péripéties sont parfois surprenantes. Mais laissons cela.
Il suffit aussi
de parcourir le net, pour se rendre compte que les formations de médiateurs sont
des formations courtes et peu qualifiantes, contenant souvent des cours de
psychologie peu recommandables, comme la PNL (<-clic) et autres patathéories de dernière génération.
Toutes ces pseudo-théories s'inspirent à l'évidence des théories psychologiques
les plus éprouvées et les reformulent, tout en n'ayant ni leur portée ni leur
pouvoir explicatif. En effet, les objectifs commerciaux des auteurs de
patathéories, nécessitent notamment d'occulter ou d'ignorer ce qui dans les
théories les plus éprouvées, est dérangeant du point de vue du pragmatisme et de
la culture du résultat en vigueur chez leurs clients.
Autrement dit, les
pseudo-théories ont en commun de nier des pans importants de réalité, en
laissant croire qu'il n'y a pas de problèmes mais seulement des solutions, et
tous autres poncifs visant à promouvoir agressivement une discipline, comme
n'importe quel produit commercial. On est ainsi en pleine illusion ou névrose
libérale au sens de JC Liaudet, car dans ces patathéories, invitation est faite
de ne renoncer a rien, comme l'illustre fort bien la formule : "pas de
problèmes, que des solutions".
A l'opposé de la modestie et de la
circonspection nécessaires dans nos disciplines, mégalomanie, volonté de toute
puissance, refus ou déni de contraintes, sont le dénominateur commun des
discours en question. Concrètement, faire croire qu'une médiation amènera
nécessairement une solution, comme le font certains médiateurs et formateurs de
médiateurs, imbus de leur spécialité mais pas du tout psychologues, c'est
méconnaitre qu'avant de s'adresser à un juge, les gens ont souvent épuisé toutes
les possibilités d'aide disponibles, et c'est créer une illusion, a fortiori si
les médiateurs en question sont peu qualifiés.
En réalité et en fait, dans de nombreux cas, on ne peut pas connaitre ou prédire
à l'avance les résultats d'une médiation, c'est pourquoi la modestie s'impose en
principe dans nos disciplines.
Promettre la réussite d'une médiation ou de toute autre intervention
psychologique, c'est aussi méconnaitre - ou faire semblant d'ignorer - que de
nombreux conflits sont sans solution, et que la seule réponse à apporter dans
ces cas, c'est celle d'un juge permettant aux victimes de recouvrer leurs
droits, notamment. En effet, les positions du genre "si nous ne nous
comprenons pas, c'est que nous ne nous sommes pas bien expliqués, ce que va nous
permettre un médiateur" témoignent souvent d'une grande naïveté, en particulier
quand des intérêts importants sont en jeu et quand certains protagonistes
présentent des pathologies, comme on l'a évoqué.
En période de crise
morale et économique - celle-ci n'étant qu'un effet de celle-là - il
est d'ailleurs significatif que des médiateurs ne réussissent pas, en appliquant
leur art, à nous tirer de ce mauvais pas et à empêcher les nombreux plans
sociaux dont sont menacés un grand nombre de Français, par exemple, sans parler
de la précarité, du chômage, de la pauvreté, etc... Mais de cela, les
médiateurs ne pipent pas mot, bien évidemment, et comme dirait Mme Michu, "ce
n'est pas demain la veille...".
En d 'autres termes, bien qu'il ne soit
pas de notre propos de nier l'intérêt d'une médiation dans certains cas, il
apparait que de nombreux médiateurs ne savent pas de quoi ils parlent quand ils
glorifient inconsidérément leur discipline, sans témoigner d'aucune connaissance
en épistémologie en particulier. En niant intentionnellement ou non les
apports la psychologie dans la médiation, en particulier, ces personnes révèlent
soit leur ignorance, soit leur improbité, ce qui dans un cas comme dans l'autre,
est inacceptable.
En outre, délibérée ou non, leur vision confuse des savoirs révèle des lacunes
dans leurs connaissances, et on ne peut pas discuter avec des personnes
s'enfermant dans des discours construits en dehors ou en dépit de réalités
contextuelles dont ils dépendent nécessairement.
Les bêtises, mensonges et manipulations en question sont en fait si grossiers
qu'il en devient choquant que ces personnes portent le nom de médiateurs.
Autrement dit, ces relents sectaires et charlatanesques sont inquiétants en
regard des missions que les médiateurs sont supposés proposer à des personnes en
situations de conflits souvent dramatiques, voire tragiques.
Ainsi donc, en discutant avec des médiateurs, y compris avec ceux en charge de
responsabilités de formation, on se rend compte que ces personnes ont des
compétences bien inférieures à ce qu'elles devraient être, pour justifier
l'intérêt de leur profession. L'ignorance, la méconnaissance et
l'obscurantisme dont certains font preuve, représentent un sérieux problème de
probité.
En conclusion, il semble bien que les médiateurs exercent une
des professions qui, à l'instar de nombreux coachs, thérapeutes,
psychopraticiens, etc.. spolient la Psychologie, en n'ayant ni le niveau de
formation, ni les connaissances et qualités personnelles appropriées pour
exercer leurs professions.
De nombreuses formations au rabais déshonorent ainsi la psychologie, la
dégradent en charlataneries, en faisant croire qu'elles s'appuient sur des
théories fiables ou scientifiquement correctes, et qu'elles sont
inconditionnellement adaptées aux problèmes qu'elles sont censées traiter.
Ces formations font courir des dangers réels aux usagers-clients de charlatans,
toutes choses que les pouvoirs publics semblent incapables de règlementer
efficacement, dans leur volonté de séduire un électorat prompt à confondre ses
désirs avec les réalités, et à qui il sera toujours temps d'expliquer plus tard,
que les choix faits sur le compte des contribuables, n'étaient peut-être pas
tout à fait les bons.
Un des principaux enjeux est en effet de renforcer
une filière professionnelle et de financer des formations, dans lesquelles les
seuls vrais gagnants seront provisoirement, les formateurs de médiateurs, et les
politiques soutenant les illusions en question.
Tout cela n'allant pas sans engendrer des problèmes avec les professions
connexes, comme on vient de le voir, on se demande bien aussi de ce point de
vue, en quoi la médiation instaure une culture de l'apaisement.
Françoise Zannier
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