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Contrairement à une croyance assez répandue,
confrontation et
conflit
ne sont pas synonymes en psychologie, ce qu'il conviendrait d'avoir à
l'esprit dans de nombreuses situations. Un écueil vient ainsi du
fait que le sens de ce mot est source de confusion, du fait de sa
polysémie et de son interprétation, qui varie suivant les
interlocuteurs.
La clinique montre notamment que pour de
nombreuses personnes, une confrontation ne peut que dégénérer en
conflit, ceci alors qu'en principe, il n'en est rien. Selon cet
apriori, toute confrontation est appréhendée comme une étape, une
introduction vers un différend dommageable, c'est pourquoi beaucoup se
réfugient souvent dans le refus ou l'évitement. Dans ces cas,
lorsqu'une confrontation est inévitable, un conflit apparait d'autant
plus facilement que la croyance sous-jacente fonctionne comme une
prédiction autoréalisante, les personnes en question n'étant
pas préparées à gérer rationnellement ce genre d'interaction.
En tout état de cause, si l'évitement des confrontations est parfois
utile, il a souvent aussi comme corolaire, d'occulter la nécessité d'une
compréhension appropriée de leurs enjeux, voire d'un travail sur soi qui
permettrait d'accueillir, accepter et gérer au mieux les différences de
points de vue et d'opinions, susceptibles de s'exprimer dans de nombreux
échanges.
En effet, le préjugé en question fonctionne comme un
principe de précaution, empêchant des échanges qui pourraient s'avérer
fructueux s'ils étaient envisagés autrement. Or en réalité, les
confrontations sont indispensables à la recherche d'accord(s), compromis
ou consensus, de même qu'à l'évolution des idées personnelles et
collectives. Plus encore, elles sont l'essence des relations
humaines et contribuent à l'équilibre psychologique de chacun(e) et de
tous. C'est pourquoi il est souvent irrationnel, improductif voire
pathogène, de les refuser, les éviter ou les fuir systématiquement,
comme on l'observe parfois chez certaines personnes.
L'évitement
des confrontations revient en fait souvent à pratiquer une
politique de l'autruche aggravant les situations, et générant
des problèmes dans les registres de l'inhibition, de la réaction ou du
retour du refoulé - toutes choses présentant des risques de conflits
potentiels ou réels, mais encore de décompensations et de passages à
l'acte. C'est dire que des conflits couverts ne valent souvent pas
mieux que des conflits ouverts, les silences, non-dits et autres
faux-semblants s'avérant fréquemment tout aussi nuisibles pour les
relations, voire pires, même si sur le moment, ils peuvent paraitre
préférables.
En d'autres termes, paradoxalement, si tout le monde
reconnait que la lumière jaillit de la discussion - ceci supposant des
confrontations - il n'en demeure pas moins qu'en pratique, tout se passe
souvent comme si il n'en était rien, alors même que l'évitement et le
refus de celles-ci présentent souvent plus de risques que leur
acceptation.
Ce genre de problématique est fréquemment lié à un
impératif de positiver, tout aussi contraignant qu'aliénant dans la
mesure où le négatif est nécessaire, pour ne pas dire constitutif de
tout système de pensée, ce qui est souvent méconnu ou oublié. En
effet, le positif n'a de sens que par rapport au négatif. Il suffit pour
s'en convaincre, d'observer que le langage est constitué de couples ou
de paires de concepts opposés, ceci reflétant parfaitement la dualité
des réalités. C'est pourquoi toute velléité d'abolir le négatif ou de
le nier, n'a à proprement parler aucun sens. C'est aussi pourquoi
chez les Anciens, la
Dialectique était considérée comme la reine des sciences,
celle-ci permettant de dépasser les hypothèses et de remonter aux
principes des choses, en les abordant contradictoirement.
Au lieu
de le nier ou de vouloir l'abolir, il s'agit donc plutôt de "faire avec"
le négatif, en commençant par le voir, l'accepter et l'intégrer dans nos
comportements et nos échanges, ceci relevant d'une toute autre démarche.
Très loin donc du refus voire de la condamnation des confrontations, au
motif qu'il faudrait toujours "positiver", "prendre les choses du bon
côté", "être consensuel(le)" ou tout autre poncif de ce genre, c'est
plutôt une philosophie qu'il s'agit de développer - un
art d'être supposant réalisme et modestie, reconnaissance et
respect de l'Autre, c'est-à-dire du négatif en l'occurrence. A
contrario, il faudrait rejeter les velléités de
toute-puissance s'exprimant parfois sous les formes les plus
inattendues, comme précisément celle consistant à vouloir voir les
choses uniquement de manière positive. La croyance sous-jacente à ce
postulat relève en effet d'une grande naïveté et de la toute-puissance
infantile, pour le dire brièvement.
En d'autres termes, "la
grande mode actuelle" invitant à
positiver inconditionnellement, en laissant croire que c'est
toujours possible et que c'est la clé de tous les problèmes, n'est pas
étrangère à l'évitement ou au refus, et finalement à l'incapacité
d'avoir des confrontations saines et sereines, tels qu'on les rencontre
souvent. Cet impératif de positiver est d'autant plus pernicieux
qu'il flatte nos tendances innées à rechercher le plaisir et à éviter le
déplaisir, alors que le
principe de réalité exige au contraire, la prise en compte de
cette dernière. Par conséquent, même s'il parait aller de soi et
devoir s'imposer, cet impératif ne devrait en aucun cas aboutir aux
dénis de réalité et aux phénomènes d'occultation qu'on
observe parfois, mais au contraire être utilisé à bon escient.
Autrement dit, laisser croire en particulier que tout n'est toujours
qu'une "question d'optique" - de verre à moitié vide vs à moitié plein
(sic) - revient de ce point de vue à flatter inconsidérément nos
instincts primaires - d'où l'engouement fréquent pour "cette
mode" - mais n'aide pas à faire face aux les réalités qui elles, sont
autrement plus complexes, c'est-à-dire contrastées et dialectiques.
A l'extrême en effet, ce genre de croyance revient à nier la réalité des
passions et des souffrances humaines, en les faisant passer pour
illusoires, pour de pures "
vues de l'esprit" sans fondements réels et concrets, ceci
envers et contre toute réalité. C'est pourquoi "la mode" en question
fait souvent figure d'
imposture.
Dans ce même ordre d'idées, une autre
illusion réside dans la croyance inconditionnelle en des solutions de
type
gagnant-gagnant. En effet, si de telles solutions sont
parfois possibles, c'est loin d'être toujours le cas du fait de
l'existence d'intérêts opposés, voire contradictoires, ce qu'on ne
saurait ignorer, nier ou occulter. A cet égard, l'entreprise est un
terrain privilégié d'observation, car les intérêts des acteurs ne sont
pas toujours ou en tous points communs, comme beaucoup d'exemples le
montrent. En outre, les acteurs en question n'ont pas toujours que
des bonnes intentions, ceci ayant de nombreuses conséquences à tous les
niveaux des organisations et des rapports de travail. La clinique
montre notamment que les pathologies liées à l'activité professionnelle
sont fréquentes et diverses (stress, harcèlement, épuisement, suicides,
etc...). Elle montre également que les individus au travail ne sont
pas différents de ce qu'ils sont ailleurs (voir à ce sujet notre
conception de l'
individu au travail). Autrement dit, les personnes
atteintes de pathologies psychiques (névrosés, pervers narcissiques,
etc...) apportent au travail leurs problématiques, ceci ayant de
nombreuses incidences sur le plan de l'activité et des relations
professionnelles. Il y a là quelques-unes des raisons pour lesquelles
l'évitement des confrontations est assez fréquent en entreprise, les
rapports de forces et l'importance des enjeux de travail ayant souvent
raison de toute autre considération. Or en fait, plus les enjeux
sont importants, plus la nécessité de formations (coachings, etc...)
et/ou d'orientation vers des dispositifs thérapeutiques, devrait
s'imposer le cas échéant.
Le monde du travail est le lieu où se
croisent de nombreuses difficultés liées tantôt aux personnalités des
acteurs, tantôt à l'organisation des rapports de travail, tantôt à celle
de la société dans son ensemble (lois et règlementations), toutes choses
que que des formations (coachings, etc...) n'ont pas nécessairement
vocation à transformer, mais qu'elles peuvent faire évoluer grâce à
l'évolution des mentalités qu'elles rendent possible. De fait
cependant, on a affaire à des problématiques relevant de niveaux
logiques différents, qu'il est important de discerner et de faire
discerner.
Ainsi, parmi les autres causes possibles de
l'évitement des confrontations, du refus et de l'incapacité à les gérer,
on rencontre des personnes ayant derrière elles des années d'effacement
obligé ou de difficultés insurmontables vis à vis de parents
autoritaires et dominateurs, voire possessifs et étouffants. En
d'autres termes, la
famille originelle est un autre champ privilégié
d'observation, car les
enfants y sont formés par leur
histoire personnelle et leur
éducation, à établir leurs relations avec eux-mêmes, autrui
et le monde extérieur, dans de plus ou moins bonnes ou mauvaises
conditions.
A cet égard, de nombreux parents ont pour règle de
refuser toute confrontation authentique avec leurs enfants (petits ou
grands), et ce faisant, de les empêcher, voire de leur interdire de
développer leur
autonomie de pensée et d'agir, de même que leur esprit
critique.
Au lieu de cela, suivant des logiques du type "papa (ou maman) a
forcément raison" (sic), ils n'ont cesse de vouloir imposer leurs
volontés, ceci durant parfois jusqu'à un âge avancé de leurs enfants,
voire pendant toute leur vie. De nombreux parents ignorent ainsi
manifestement que le but de l'éducation est de former des adultes
autonomes, libres et responsables, les enfants n'ayant pas vocation à
demeurer toute leur vie en état de dépendance. Dans ces conditions,
il est d'ailleurs fréquent que d'autres
figures d'autorité prennent le relais le moment venu, tel
un(e) ami(e), un(e) mari (épouse), un(e) supérieur(e) hiérarchique,
un(e) gourou. Les parents en question "fabriquent" ainsi tantôt des
individus passifs-dépendants susceptibles de se retrouver
sous l'emprise d'un tiers, tantôt des
délinquants,
pervers ou
psychopathes passant leur vie à régler les
comptes de leur histoire personnelle au détriment des autres, ceci sur
le mode de la vengeance ou de la haine transposées sur la société dans
son ensemble, les proches, ami(e)s et collègues notamment, faisant
régulièrement les frais de ces problématiques.
En tout état de
cause, même lorsque la différence entre confrontation et conflit est
perçue intellectuellement, de nombreuses personnes se comportent dans
les faits comme si ce n'était pas le cas. On observe ainsi des
contradictions patentes entre ce qui est dit (ou conceptualisé) et ce
qui est fait. Tout cela renvoie à la complexité de la conscience et
de l'
inconscient. Une idée conçue clairement et acceptée
intellectuellement, n'est ainsi pas nécessairement intégrée au niveau
des conduites. Il existe de nombreux paradoxes, une affirmation
consciente pouvant correspondre à une négation inconsciente, comme on
vient de l'évoquer. C'est aussi pourquoi il faudrait toujours
s'interdire tout simplisme en psychologie, la conscience et le moi en
particulier, ne représentant qu'une partie du
psychisme.
De fait, si de nombreuses personnes
préfèrent souvent se taire plutôt qu'exprimer leur opinion, par crainte
d'un conflit perçu comme l'issue fatale de toute confrontation, cela ne
règle rien sur le fond aux problèmes en cause, qui sont au contraire
souvent pérennisés voire aggravés. En effet, de nombreux problèmes ou
difficultés se résolvent rarement spontanément, et beaucoup deviennent
au contraire insolubles lorsqu'ils ne sont pas traités suffisamment tôt.
Il en va de même lorsque voulant éviter toute confrontation, certaines
personnes s'expriment de manière détournée, sans aborder directement un
sujet, par crainte de contrarier ou d'affronter leurs interlocuteurs.
Or si l'intention est parfois compréhensible, le résultat ne suit pas
car on a alors souvent des monologues juxtaposés, signant une absence de
dialogue.
Ces façons de procéder bien que fort répandues,
laissent les problèmes et questions de fond intacts, a fortiori quand il
y a une volonté délibérée de noyer le poisson, en espérant ou non un
changement spontané, aussi hypothétique qu'hasardeux. C'est pourquoi
en réalité bien souvent,
pas plus que d'un conflit on ne peut faire l'économie d'une
confrontation si l'on veut trouver des solutions réelles à
des problèmes réels, et non pas passer à côté de ce qu'il y aurait à
comprendre et à résoudre.
Comme on l'a évoqué, l'histoire et les
expériences personnelles de chacun(e), outre les contraintes et rapports
de forces réels ou supposés, sont régulièrement en cause dans ces
situations. C'est pourquoi suivant les problématiques à traiter, des
interventions thérapeutiques peuvent être mises en oeuvre ou bien des
formations. L'importance d'un travail sur soi ou d'une formation
tient au fait que les attitudes citées aboutissent invariablement à un
déficit de communication, en même temps qu'à une accumulation de
malentendus, non-dits et frustrations, toutes choses pouvant mener à des
acting-out et à diverses formes de rupture de
liens, voire à des problèmes psychopathologiques, comme on
l'a dit.
L'évitement systématique des confrontations par crainte
des conflits est ainsi souvent une
pseudo-solution amenant d'autres problèmes. On connait
notamment le mécanisme dit de "la cocotte-minute", dans lequel l'
inhibition régulière des réponses alterne avec des
bouffées d'agressivité et des
passages à l'acte compensant celle-ci de manière récurrente.
Ces passages à l'acte sont la rançon des comportements inadaptés en
question. Ils peuvent prendre la forme d'
actes manqués et/ou s'accompagner de
somatisations diverses elles aussi. Une question
importante est donc de déterminer comment ne pas s'enfermer dans ce
genre d'impasse où la politique de l'autruche alterne avec des modes de
communication inadaptés, quand il ne s'agit pas de comportements nocifs
ou destructeurs.
A tous les précédents égards, il parait
important de rétablir la confrontation dans ses lettres de noblesse,
c'est-à-dire notamment les oppositions et contradictions la constituant.
Au lieu de l'approbation inconditionnelle recherchée par beaucoup, ou
des faux-semblants s'installant dans de nombreuses situations, il
vaudrait souvent mieux en effet des explications dans lesquelles
chacun(e) tiendrait mieux son rôle, en s'affirmant de manière plus
authentique et respectueuse de soi et d'autrui. Sans vouloir dire
que les confrontations règlent tout, il est sûr néanmoins qu'elles sont
souvent indispensables, les conduites d'évitement renforçant les
problèmes et les incompréhensions, beaucoup plus fréquemment qu'elle
n'aident à les résoudre.
De ce fait, au niveau social, on assiste
notamment à des repliements en groupes d'amis ou d'alliés, où
n'échangent que des gens d'accord entre eux ou ayant des points de vue
favorables les uns aux autres, ou n'osant pas dire clairement ce qu'ils
pensent, ce qui appauvrit considérablement les échanges et la portée de
ceux-ci. Il y a notamment des groupes où l'effacement au profit des
leaders prédomine, reproduisant en interne les censures inter-groupales.
Ce qui est méconnu ou sous-estimé dans ces conditions, c'est que ce ne
sont pas nos points communs mais au contraire nos différences qui nous
enrichissent. Savoir écouter l'autre et ne pas le juger - on évalue
des actes et non pas des personnes - tout en étant capable d'exposer un
point de vue différent, y compris critique le cas échéant, prend ici
tout son sens et sa valeur.
Une confrontation ne devrait jamais
être autre chose que la
mise en perspective de points de vue différents, ce qui est banal
en soi puisque nous sommes tous différents, ceci signifiant qu'il est
normal d'avoir des opinions et points de vue différents. Précisons
aussi que même lorsqu'il y a des
consensus - ceux-ci étant toujours relatifs et limités - une
idée nouvelle ou différente devrait toujours trouver un
accueil et une
écoute, ce qui est souvent loin d'être le cas. De très
nombreuses personnes en effet, ne savent pas ou plus écouter l'autre,
ceci étant une forme parmi d'autres de refus des confrontations ou
d'incapacité à en avoir. Or les questions de désir et de pouvoir se
jouant dans les relations, ne sauraient se régler valablement de cette
façon.
Plus généralement, l'histoire du savoir et des idées ne
saurait progresser valablement sans échanges donc sans confrontations,
comparaisons et évaluations. C'est un principe fondamental des
sciences mais encore de la
démocratie - i.e. de la liberté d'opinion et d'expression -
de laisser ouverts au débat les sujets importants, mais paradoxalement,
ce n'est pas pour autant le cas dans de nombreux groupes restreints
comme le couple, la famille, les réseaux sociaux (réels et virtuels),
l'école ou l'entreprise, comme on vient de le voir.
Faire vivre
l'esprit et la lettre démocratiques dans les groupes sociaux est par
conséquent une gageure essentielle, car l'histoire montre que la
démocratie est le meilleur modèle social possible - celle-ci
représentant une valeur universelle qui n'est ni complètement ni
définitivement acquise, mais qu'il s'agit de faire progresser. En
d'autres termes, à moins de s'isoler dans une tour d'ivoire et/ou de
fonctionner en vase clos, avec tous les inconvénients que cela engendre,
il n'y a en réalité pas vraiment d'autre choix que de se frotter aux
autres, sauf à devoir supporter les conséquences fâcheuses qu'on a vues,
entre autres, que ce soit au niveau macro ou microsocial.
Soulignons ici qu'un enjeu important dans une confrontation est de
rester factuel, c.-à-d. d'évaluer des propos ou des faits, et non pas
des personnes. En contrepartie, cela suppose que les personnes
concernées ne prennent pas pour elles ce qui concerne leurs prestations,
propos ou actions, à un moment donné, ou en tout cas la manière dont
ceux-ci sont perçus. C'est une des raisons pour lesquelles une
confrontation efficace et utile nécessite que les interlocuteurs soient
formés à cet art, afin d'être à la bonne distance et de gagner en
objectivité. A cet égard, un travail sur soi ou une
formation adéquate permettent souvent d'éviter des difficultés, car
lorsqu'une confrontation dégénère en conflit, c'est en grande partie
parce que les protagonistes ne sont pas préparés ou formés à en avoir
dans de bonnes conditions, comme on l'a évoqué. On a alors affaire à
des interprétations déformantes, projections et débordements émotionnels
sans rapport réel avec l'objet de discussion, le dialogue dégénérant
d'autant plus facilement en querelle que les émotions violentes ont un
haut degré de contagiosité. Tout ceci pour dire également que
l'acceptation des différences implique l'acceptation des désaccords,
autrement dit de la négativité inhérente à tout discours, comme à toute
discussion.
"Le négatif est cette logique de l'ombre qui réclame son dû, là où le
positif voudrait accaparer toute la visibilité du psychisme"
(A. Green). Il est ainsi des réalités incontournables dont aucun
refoulement ou déni ne sauraient venir à bout par leurs vertus
imaginaires ou supposées.
Pour finir, il convient de préciser
certaines limites existant en matière de confrontation.
Une
première limite tient au fait des
décisions à prendre, car si en théorie plusieurs versions des
choses sont toujours concevables, en pratique il en va autrement.
Très souvent en effet, il ne peut y avoir qu'une seule décision. C'est
pourquoi théorie et pratique présentent de grandes différences, malgré
leurs complémentarités. C'est aussi pourquoi certaines difficultés
sont inévitables, aucune théorie ne pouvant régler ce problème
fondamental et d'autant plus crucial que l'intellect penche du côté où
sont ses intérêts (K. Horney). C'est aussi pourquoi, bien souvent, il
ne suffit pas d'avoir des idées bonnes ou justes, pour pouvoir les
mettre en oeuvre. La raison humaine n'est pas un centre purement
rationnel, dégagé des passions et des conflits d'intérêts, sans quoi
nous ne serions pas confrontés à
la bigarrure du monde, telle qu'elle s'impose à nous tous les
jours.
Autrement dit, les faits psychologiques étant
interactionnels et basés sur des réalités concrètes, entre autres, aucun
d'eux ne s'explique à partir de la seule personne concernée, i.e. de ses
qualités ou défauts supposés ou réels, de ses idées bonnes ou mauvaises,
et encore moins à partir de sa seule constitution
biologique. C'est pourquoi aborder les problèmes psychologiques
uniquement sous ces angles, est une erreur vis à vis de laquelle les
théories systémiques en particulier, apportent un éclairage inestimable.
Tout cela est d'autant plus vrai que
les sciences du comportement ne peuvent pas exclure de leurs objets les
notions de valeurs qu'ils représentent pour les acteurs (GG
Granger), D'où la multiplicité des références théoriques qui
renforce la difficulté de certains choix, tout en témoignant de leur
relativité.
Une autre limite tient à la
pertinence des discours, cette qualité mettant en jeu à la
fois les savoirs et l'éthique des interlocuteurs. Comme on s'en rend
compte dans de nombreuses confrontations, on ne peut pas tenir des
discours crédibles sur un sujet important, sans
avoir des connaissances étendues et validées sur ce sujet.
Aucun discours ni aucune théorie ne surgissant ex-nihilo, en
particulier, aucune d'elles n'est originale ou révolutionnaire à
proprement parler. C'est pourquoi très généralement, les théories se
présentant comme telles sont en fait douteuses et inquiétantes. En
tout état de cause, au niveau individuel, il est essentiel d'être dument
qualifié pour utiliser certains arguments théoriques dans une
confrontation, car sans cela, la porte est ouverte à tous les abus et
erreurs. Connaissances partielles, erronées ou fausses, s'immiscent
ainsi dans de nombreuses discussions ou confrontations (forums, etc...),
avec les innombrables conséquences fâcheuses que l'on sait. En
d'autres termes, plus un sujet est important, plus les confrontations
sur ce sujet exigent un haut niveau de qualification et interdisent de
faire l'impasse sur la
transparence et les exigences en matière de connaissances
théoriques, comme cela vient d'être évoqué, l'expérience et les
convictions personnelles n'étant pas à elles seules des arguments.
C'est enfin pourquoi, d'une manière générale, plus les sujets abordés
sont complexes et importants, plus la
responsabilité des interlocuteurs et leurs systèmes de
valeurs, en un mot leur
éthique est engagée dans une confrontation, que ce soit au
niveau personnel ou professionnel - ces deux niveaux étant en grande
partie imbriqués.
Françoise Zannier
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